TRANSPORTS – C’est une nouvelle qui est sortie la semaine passée et qui a fait un peu de bruit sur la Métropole Européenne de Lille : avec le retard causé par le projet de modernisation de la ligne 1 du métro, 38 rames de métro pourraient être réformées et donc retirées du circuit d’ici 2028. L’instance métropolitaine cherche donc à trouver des solutions.

Vendredi dernier (NDLR : 9 février), le conseil métropolitain de la Métropole Européenne de Lille s’est réuni. À l’ordre du jour de nombreuses délibérations dont une qui a pour sujet principal le réseau de transports en commun de la métropole. Dans son propos liminaire, Sébastien Leprêtre, vice-président de la MEL en charge des transports, s’est appuyé sur un extrait de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille.

Une nouvelle bataille de perdue pour la MEL

Souvenez-vous, la MEL avait décidé en novembre dernier d’attaquer Alstom en justice suite à l’annonce du report de la date de mise en service. J’avais par ailleurs réagi à cette annonce sur BFM Grand Lille en précisant que la MEL avait l’air d’être impuissante sur le dossier. C’était la première fois que le conseil métropolitain se réunissait suite à l’audience qui a eu lieu début janvier 2024 au Tribunal administratif de Lille.

Dans ses principales revendications, la MEL a demandé à la justice d’imposer des “mesures complémentaires” à la société Alstom pour prévenir les difficultés de gestion du réseau “résultant du retard de ce chantier”. Par ici, on entend que le retard historique du projet de modernisation de la ligne 1 va avoir des conséquences importantes sur le réseau dans les années à venir.

En effet, il était prévu à l’origine que les rames VAL 208 circulant actuellement sur la ligne 1 soient progressivement retirées de la ligne 1 et mises en service sur la ligne 2 afin de remplacer le matériel roulant vieillissant nécessitant une réforme et ainsi renforcer les fréquences de passages sur la ligne (NDLR : la ligne 2 du métro est plus longue que la ligne 1). Mais avec le retard et le repoussement continu de la date de mise en service des nouvelles rames BOA, le plan de la MEL se retrouve peu à peu caduque. Alors au tribunal administratif, la MEL a fait trois demandes au tribunal administratif :

  1. Ordonner à Alstom de définir et s’engager à prendre les mesures essentielles pour assurer la continuité et la qualité du service public du métro
  2. Assurer plus précisément la continuité du service du métro et ordonner à Alstom de s’engager sans réserve sur les moyens et les délais de mise en service des 27 nouvelles rames prévues pour circuler sur la ligne 1
  3. Contraindre Alstom à mettre en oeuvre tous les moyens permettant de conserver la capacité totale des deux lignes, c’est-à-dire 143 rames.

Le 26 janvier dernier, le Tribunal Administratif de Lille a rendu son verdict : le juge des référés refuse de faire droit à ces trois demandes. C’est une nouvelle victoire pour Alstom et une nouvelle défaite pour la Métropole Européenne de Lille. En guise de justification, le juge des référés ne met pas hors de cause la responsabilité d’Alstom dans le retard de ce chantier, mais rappelle à la MEL que la société Alstom n’est pas liée contractuellement à la ligne 2, ce qui fait que les demandes sont jugées en dehors des “obligations contractuelles”. Par ailleurs, le juge des référés rappelle également que la MEL peut encore demander des indemnités financières à la société Alstom et que celle-ci a déjà fait des “efforts”, notamment la prise en charge des frais du service des bus relais :

En outre, la société Alstom a déjà accepté de compenser ce retard, notamment par la prise en charge des frais du service des bus de substitution qui circulent pendant les périodes d’indisponibilité de la ligne 1 et en prévoyant de verser à la MEL une partie des recettes qui seront dégagées par la commercialisation du nouveau système de pilotage automatique des rames, dénommé « Fluence », et dont le développement pour la MEL est une des causes du retard du chantier. La société Alstom justifiant mettre en œuvre des moyens importants pour exécuter le contrat, et ne manifestant pas de refus de se conformer à ses obligations, le juge estime qu’il n’y a pas lieu de lui imposer des obligations supplémentaires, la MEL pouvant toujours, par ailleurs, demander à la société de l’indemniser des préjudices qu’elle estime subir en raison du regard du chantier.

Extrait du compte-rendu du Tribunal Administratif de Lille

À LIRE AUSSI – Modernisation du métro lillois : ma réaction suite à la poursuite en justice d’Alstom par la Métropole de Lille

La question de la continuité de service renvoyée à la MEL

C’est donc désormais à la MEL de s’adapter suite à la décision du Tribunal Administratif de Lille. Cette procédure a donc mis en lumière l’urgence du remplacement de 38 rames de métro jugées vétustes. Ces rames seront progressivement retirées et réformées entre août 2025 et février 2028. La première échéance d’août 2025 laisse donc à la MEL un peu plus d’un an et demi pour jauger ce qu’il faut si Alstom ne livre pas le projet à temps. Néanmoins, les usagers risquent encore de payer les frais alors qu’ils sont encore confrontés chaque jour à des pannes, ralentissement et assistent à une dégradation de la qualité de service.

Stéphane Baly, élu Lille Verte (parti écologiste) à la MEL profite donc de ce conseil métropolitain et du sujet lancé par Sébastien Leprêtre pour poser une question censée : « Quelle stratégie, avec quel échéancier et pour quel coût ? ». Il précise même dans son propos que ce projet est un “échec industriel” :

La réponse de la MEL tient en trois mots : entretenir, acheter, louer. Sébastien Leprêtre, vice-président de la MEL chargé des transports, répond à Stéphane Baly en trois temps. Tout d’abord, il précise que les rames actuelles seront exploitées le plus longtemps possible afin de “minimiser les impacts sur l’offre de service et sur la fréquence en heures de pointe”. Mais évidemment, cette situation ne tiendra pas ad vitam æternam. Alors, les élus de la MEL envisagent désormais de “passer une commande de matériel roulant”. La MEL est actuellement en plein travail concernant le dimensionnement, c’est-à-dire le nombre de rames nécessaire. La MEL ne sait d’ailleurs pas encore si elle compte commander ou louer du matériel roulant.

“Au bout, c’est Alstom qui va payer !”

Damien Castelain, président de la MEL

Dans un second temps, c’est Damien Castelain, président de la MEL qui prends la parole. Il précise que sa position sur le sujet est qu’il préfère l’achat de nouvelles rames à la location, tout en précisant que “tous les scénarios sont sur la table”. Il faut désormais s’assurer que des rames sont disponibles à l’achat. Néanmoins, une seule volonté est commune à l’ensemble des élus de la MEL : “Au bout, c’est Alstom qui va payer!”. Damien Castelain précise d’ailleurs qu’il compte engager de nouvelles poursuites contre Alstom pour “défendre l’intérêt de la Métropole et des Métropolitains”. La bataille juridique entre Alstom et la MEL n’est donc pas prête d’être terminée.

En guise de conclusion, Stéphane Baly précise que la ville de Rennes a “notifié une commande de sept rames en 2021 pour une livraison après 2025 pour un investissement de 10 millions d’euros par rame”.

Autant dire que les nouvelles rames de métro, c’est pas pour tout de suite. En attendant la MEL doit trancher et faire vite avant que les conséquences de la réforme des 38 rames ne dégradent encore plus la qualité de service.

Sources ayant servies à la rédaction de cet article

  • Seghi, P. P. (2024, 9 février). Métro de Lille : contrainte, la MEL va acheter ou louer de nouvelles rames. La Voix du Nord. https://www.lavoixdunord.fr/1428790/article/2024-02-09/retard-de-livraison-de-rames-de-metro-au-bout-du-compte-c-est-alstom-qui-va
  • (2024, 26 janvier). Pas de mesures complémentaires prononcées par le juge à l’encontre d’Alstom du fait des retards pris dans le chantier de modernisation de la ligne 1 du métro de la MEL. Tribunal Administratif de Lille. https://lille.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/pas-de-mesures-complementaires-prononcees-par-le-juge-a-l-encontre-d-alstom-du-fait-des-retards-pris-dans-le-chantier-de-modernisation-de-la-ligne
  • Groupe d’élu.e.s de la Métropole Européenne de Lille. (2024, 13 février). Quelle stratégie de la MEL pour répondre aux besoins de disponibilité du matériel roulant du métro ? Métropole Écologiste Citoyenne et Solidaire. https://groupemecs.wordpress.com/2024/02/13/quelle-strategie-de-la-mel-pour-repondre-aux-besoins-de-disponibilite-du-materiel-roulant-du-metro/
  • Comment le métro de Lille risque de perdre 38 rames d’ici 2028 dans La Voix du Nord

 

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